mercoledì 5 gennaio 2011

Italie: le grand délabrement des vestiges antiques

Italie: le grand délabrement des vestiges antiques
Richard Heuze
Le Figaro 29/12/2010

Du Colisée à Pompéi en passant par les milliers de sites que compte le pays, le patrimoine archéologique italien, l'un des plus riches au monde, est menace de délabrement. Ruissellement des eaux de pluie, manque d'entretien, restaurations tardives ou insuffisantes, gestion inappropriée des sites, petits chapardages: en dix ans, les incidents se sont multiplies au point de rendre aujourd'hui la situation alarmante. Antonio Varone est l'unique archéologue de Pompei. Aussi extravagant que cela puisse paraître, le ministère des Biens culturels n'a pas remplacé ses collègues partis à la retraite. Pour veiller sur le plus grand part archéologique à ciel ouvert qui soft au monde, il ne reste que ce professionnel âgé de 53 ans. Par chance, il connait tous les recoins de la cite antique, ensevelie par le Vésuve en 79 après Jésus-Christ.
Le célèbre archéologue Andrea Carandini, qui préside le Conseil supérieur pour les biens culturels, rappelle que Pompéi comptait il y a trente ans « 90 ouvriers à demeure », menuisiers, charpentiers, maçons, carreleurs. Ils ne sont plus qu'une demi-douzaine. « Le site aurait besoin aujourd'hui de 75 fonctionnaires qualifiés, en mesure d'exécuter des tâches d'entretien complexes et délicates », affirme Andrea Carandini. Mais le budget ne le permet pas.
Effondrements en série
Par nature, un site archéologique est une structure d'une extrême fragilité. Le moindre incident, la plus petite négligence accélère sa décomposition. « Si on le laisse livre à lui-même, il retourne vite à son état normal : être sous terre », souligne Andrea Carandini. Pour combattre cette dégradation, « pas besoin de projets colossaux de restauration. Il faut un entretien permanent, une surveillance de tour les instants. Cela s'appelle une manutention programmée et préventive », ajoute Carandini. Le 16 décembre, le Conseil supérieur pour les biens culturels dénonçait l'absence d'inspections périodiques, d'évaluations approfondies des risques : les récents éboulements, aussi bien à Pompei - dans la caserne des Gladiateurs ou à la maison du Moraliste - qu'à Rome, à la Domus Aurea ou dans l'immense villa d'Aurélien, sans parler du Colisée, « sont imputables pour la plupart d’un entretien inexistant ou mal exécuté », dénonce-t-il. Pompei a connu seize écroulements en sept ans. À Rome, le 30 mars dernier, la Domus Aurea, la somptueuse Maison dorée de Néron, a été fermée au public après l'effondrement d'une voûte et d'une galerie. Au Colisée, un parpaing de maçonnerie s'est fracassé au sol le 9 mai. À la villa de Tiberius, le premier palais de la dynastie des empereurs, sur le Palatin, un mur s'est déplacé d'un mètre. Des effondrements sont aussi signalés dans l'immense maison d'Auguste, sur le Palatin, ainsi que le long des murs Aurélien (dix en cinq ans), sur les murs de Servian, les premiers érigés à Rome, et sur l'aqueduc de Mandrione. Dans la plupart des cas, les dégâts sont provoqués par le ruissellement des eaux pluviales qui s'infiltrent et provoquent des glissements de terrain. Sur la Via Appia, la tombe du Gladiateur s'est retrouvée en décembre dernier sous un mètre et demi d'eau.
Le modèle d'Herculanum
Pour faire face à cette situation, Roberto Cecchi manque de moyens. Ce haut fonctionnaire est secrétaire général du ministère des Biens culturels et commissaire à l'archéologie de la ville de Rome. Il dénonce la faiblesse des fonds dont il dispose : 0,21% du budget de la nation lui est affecté. Soit 1,7 milliard d'euros toutes disciplines confondues, et 729 millions pour la seule archéologie. Une misère, qui ne fait que diminuer d'année en année. Il semble loin le temps où l'architecte français Eugène Viollet-le-Duc s'émerveillait, en 1830, de la façon dont les Italiens « restauraient leurs vieux monuments, si nombreux, avec une obstination et porter à leur crédit, sans jamais cesser de les entretenir ». Restauration et entretien, explique Roberto Cecchi, sont « deux fonctions différentes du processus de conservation des monuments ». Depuis des années, l'Italie a cessé d'entretenir ses canaux, ses égouts et ses vieilles pierres. Il s'agit pourtant du même processus. « Nous devons éviter de penser à des interventions éclatantes qui resolvent la situation une fois pour toutes. L'archéologie requiert un traitement permanent, des interventions ciblées, une main-d'œuvre qualifiée capable de sélectionner les actions à entreprendre », dit Roberto Cecchi. Il rejoint en cela la méthode préconisée par le Conseil supérieur pour les biens culturels : « Recourir à une programmation préventive.» Conjurer le risque avant qu'il n'apparaisse. Traiter l’infiltration des eaux de pluie avant qu'elle ne provoque les effondrements. C'est ce que les archéologues d'Herculanum ont très bien compris. Au lieu d'investir dans la restauration de quelques domus, les 3 millions de dollars par an qu'un sponsor américain épris de vieilles pierres, David W. Packard, leur alloue depuis 2004, ils ont préféré remettre en état l'antique réseau de canaux souterrains qui évacuait les eaux vers la mer. Une approche payante : Herculanum, la ville jumelle et le port de Pompei, ne connaît plus d'effondrements. Rita Paris connaît bien le problème. Elle dirige le parc archéologique de l'Appia Antica, un complexe protégé de villas antiques, de cirques, de tombes et de mausolées qui s'étend sur 3 500 hectares à la sortie sud de Rome. Les problèmes y sont multiples : les dégâts des eaux, la lutte contre un vandalisme très actif le long de cette vole passante et contre les constructions abusives en pleine zone archéologique constituent son lot quotidien. Son principal souci est d'obtenir des crédits réguliers chaque année : « Ils n'ont pas forcément besoin d'être excessifs. Avec de 400 000 et 600 000 euros par an, on parvient à faire face à l'entretien ordinaire. » De quoi maintenir le parc en bon état.
Le ministre sur la sellette
Dans l'ensemble, les archéologues se montrent vivement opposes à l'organisation de spectacles dans les ruins, qu'il s'agisse des concerts exceptionnels sur le forum de Pompei, des ouvertures nocturnes ou encore de l'emploi massif de techniques audio-visuelles pour « raconter » une histoire qui, pour eux, est suffisamment « parlante ». C'est l'un des reproches qu'ils font au ministre des Biens culturels, Sandro Bondi, également accuse de n'avoir pas prévu les derniers effondrements de Pompei, malgré plusieurs signes avant-coureurs. Le ministre est aussi conteste pour ses nominations : trois « intendants » à Pompei en dix-huit mois, une valse de « managers » qui s'emparent du pouvoir sans avoir pour autant les connaissances archéologiques requises. « Il mène une politique faite d'opportunisme, d'apparences, d'improvisations, de recours systématique et des interventions exceptionnelles et de mesures extraordinaires. Ce n'est pas ce dont le secteur a besoin », relève le Giornale dell'Arte. Le ministre fait l'objet au Parlement d'une motion de censure qui sera examinée en ce mois de janvier 2011. Et que dire du Colisée, le monument le plus visité d'Italie avec 3,2 millions de touristes par an ! Diego della Valle, l'industriel des chaussures Tod's, a proposé au printemps dernier d'en financer intégralement le « lifting » approfondi, un coût évalué à 25 millions d'euros sur trois ans. « Je n'ai aucune intention d'en faire une opération commerciale. Vous ne verrez jamais mes chaussures en poster sur le théâtre Flavien », assure-t-il. Fin décembre, l'administration n'avait toujours pas répondu à son offre. « Ce serait pourtant le moment de réfléchir au financement de la politique culturelle », dit-il au Figaro.

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